Suite à plus de 2 ans d’échange, voici les verbatims que nous entendons au moment d’évoquer le côté obligatoire ou volontaire du codéveloppement pour accompagner les managers : 

  • “Il faut laisser le choix à l’apprenant, on ne va pas le forcer”
  • “On leur a laissé le choix, mais peu de personnes se sont portées volontaires”
  • “Il n’est pas encore prêt, c’est trop tôt”
  • “On préfère former ceux qui sont déjà dans un certain état d’esprit”
  • “Il n’a pas le temps”

Nous nous sommes donc posé la question de savoir s’il n’y avait pas des paradoxes dans notre approche de la formation managériale.

Il faut laisser le choix à l’apprenant, on ne va pas le forcer

Nos 15 ans au sein du système éducatif français public impactent notre vision des formations, en particulier :

  1. Le parcours pré-établi et commun à tous
  2. La posture de sachant qui est valorisée
  3. Le manque d’implication de l’apprenant en tant qu’acteur de son parcours
  4. Le système du diplôme et de la sanction du résultat par la notation
  5. La passivité de l’apprenant dont le principal impact est sur lui-même et non sur la dynamique collective.

Tout comme l’instruction est une obligation dans notre modèle républicain, la formation en entreprise, en particulier lorsqu’elle recoupe les caractéristiques énoncées ci-dessus, est rendue obligatoire. 

C’est le constat que nous faisons au travers de nos échanges avec des interlocuteurs RH et Formation. 

-> Dès lors que la formation s’éloigne de ces critères et devient plus confrontante pour l’individu, pourquoi la tendance est-elle de la rendre facultative ? Faut-il rendre les formations confrontantes comme le codéveloppement, obligatoire ?

On leur a laissé le choix, mais peu de personnes se sont portées volontaires

Pierre est responsable d’une équipe de 7 personnes. Il exprime attendre d’eux de l’autonomie, une capacité à sortir du cadre tout en les soumettant à des procédures strictes et figées définies par l’organisation. Il est probable que Pierre rencontre des difficultés ou de l’incompréhension quand il s’agira de mobiliser son équipe sur ses attentes.

Si nous transposons cette situation à celle d’un apprenant qui a l’obligation de suivre certaines formations non réglementaires comme le codéveloppement et qui est soudainement sollicité pour choisir de participer ou non à d’autres formations. Ne vit-il pas ce même type de paradoxe ? N’est-il pas normal qu’il ait du mal à prendre sa décision de suivre ou ne pas suivre la formation facultative ? Et quel est le message transmis quant aux formations obligatoires et celles facultatives ?

La structure influence le comportement

Prenons par exemple, l’expérience étonnante réalisée aux États-Unis en 1971 à l’université de Standford. Le psychologue américain Philip Zimbardo demanda à ses étudiants de jouer le rôle de prisonniers et de gardiens dans une prison factice. Il remarqua tout d’abord que les prisonniers commencèrent à adopter une attitude soumise face à l’autorité des gardiens. Mais très vite les prisonniers se rebellèrent et les gardiens abusèrent de leur autorité. Face à la violence des relations entre prisonniers et gardiens, l’expérience cessa au bout de six jours. En effet les étudiants commençaient à souffrir de dépressions, de crises de larmes mais également de maladies psychosomatiques. 

Nous l’avons constaté dans notre programme : pour certains managers, si nous ne mettons pas son responsable ou ses ressources humaines, il se peut que le taux de participation soit plus faible.
Et pourtant quand nous le faisons, ces managers sont tout autant satisfaits à la fin de la formation !

-> Alors, comment contribuer à rendre le système plus lisible et vertueux pour tous, et pour que l’apprenant soit le premier acteur de sa formation ?

Il n’est pas encore prêt, c’est trop tôt

Le format coaching collaboratif du codéveloppement, par son exigence peut sembler adapté à des managers qui ont un niveau de maturité suffisant.

En effet le travail du questionnement, de l’analyse des sujets nécessite une certaine exigence intellectuelle qui n’est pas de tout repos, comme pour un coaching individuel.

Pour ces raisons, certains jeunes managers peuvent être écartés de ces programmes de coaching collaboratif : “C’est trop tôt, il n’en est pas encore là”. Le codéveloppement obligatoire, pour les collaborateurs les plus jeunes peut-il être un tremplin pour progresser ?

Faut-il attendre que les impacts sur l’engagement des équipes, leurs performances soient visibles pour accompagner ces managers sur leurs postures ?

-> Quel peut être le risque à ne pas accompagner dès le début ces jeunes managers afin qu’ils développent une posture de facilitateur – si c’est celle recherchée par l’entreprise ? Quel bénéfice peut-il y avoir ?

On préfère former ceux qui sont déjà dans un certain état d’esprit

“Il n’est pas fait pour le codéveloppement”. Voici ce que nous pouvons entendre de certains de nos interlocuteurs RH et formation.

En effet le codéveloppement, comme d’autres formations nécessitant au manager d’être actif –  est engageant : soit en tant que client (celui qui porte le sujet et cherche à avancer sur son problème), soit en tant que consultants (ceux qui par la qualité de leurs questionnements vont faire avancer le client).

Si le manager n’a ni l’envie de pousser un de ses problèmes ni l’envie d’être à l’écoute ou de poser des questions, le codéveloppement ne sera pas forcément une expérience de valeur pour lui.

Nous vous proposons d’appréhender le sujet avec différentes perspectives.

Imaginons qu’un maçon ait le besoin d’être formé, il peut :

  • soit écouter et regarder un expert.
  • soit s’entraîner à réaliser un mur, soit avec des pairs, soit avec un expert.

Si ce maçon n’arrive pas à réaliser le dit-mur, quelles sont les possibilités pour lui de rester maçon ?

Une démarche active

Le codéveloppement par sa nature, permet d’identifier les managers dont la posture se rapproche de celles des managers coachs/apprenants:

  • Si vous n’êtes pas en mesure d’écouter 7 autres personnes, comment voulez-vous écouter votre équipe ?
  • Si vous n’êtes pas en mesure de poser les bonnes questions, comment voulez-vous guider, rendre autonome votre équipe ?
  • Pensez-vous que vous serez à même d’accompagner pertinemment vos collaborateurs, si vous ne savez pas distinguer un problème de votre vision du monde, c’est-à-dire en mettant de côté vos biais ? 

Nous avons vu chez UpTogether, des managers réaliser qu’ils n’avaient ni l’envie d’adopter cette posture ni les compétences pour le faire. Une réorientation avec les ressources humaines de leur entreprise a été discutée suite à cette prise de conscience pour mettre le collaborateur dans la situation la plus adaptée possible.

Contrairement à une formation descendante, le codéveloppement a le pouvoir de révéler cela comme toute formation où l’apprenant est actif.

-> Quelle intention y a-t-il dans le fait de former des managers qui ont déjà la posture de manager coach ? Quels freins à accompagner ceux qui ne l’ont pas encore ?

-> Quel est l’impact recherché au niveau de l’entreprise d’un choix ou d’un autre ?

Le manager n’a pas le temps

codéveloppement obligatoire managers occupé

Je n’ai pas trouvé meilleur dessin pour expliquer la boucle systémique que crée la non-formation des managers.

Il est souvent difficile d’imposer ce temps de formation, ou même de prendre, en tant que manager, un temps de recul sur sa posture et sa pratique, notamment quand les logiques financières prédominent ou quand les entreprises sont sous pression business (nouvelles activités, croissance rapide, restructuration…).

codéveloppement obligatoire boucle systémique

Afin de relativiser cet investissement, comparons-le au temps de travail total. Si l’on prend l’exemple des ateliers UpTogether, le format dure 2 heures sur 12 ateliers soit 24 heures sur l’année. En général un employé travaille 220 jours ouvrés pendant 8 heures par jour soit 1760 heures (et s’il est débordé … Il y a de fortes chances qu’il travaille 10 heures par jour soit 2200 heures).

Une formation de 24 heures par an ne représente donc que 1 à 1,3 % du temps total annuel.

-> Combien de temps passez-vous sur des problèmes interpersonnels ou business générés par un manque de formation ?

Notre conclusion sur le codéveloppement obligatoire

Le codéveloppement doit-il être obligatoire ? Comme vous le voyez, il n’y a pas de réponse. Cela dépend du contexte, de la culture de votre entreprise et de l’importance de la formation dans la stratégie de celle-ci.

Plutôt que de donner des réponses, l’intention était de pouvoir soulever des paradoxes et apprendre des différentes pratiques. Chez UT on adore ça 🙂